On a beaucoup écrit sur les confrontations entre Rouen & Amiens, narré les victoires, mis en exergue l'inaltérable rivalité, fait le décompte des trophées dans la vitrine dédiée aux médailles. A l'occasion de cet énième épisode d'un Rouen vs Amiens en quart de finale du championnat de France U17 Elite, c'est un tout autre angle que l'on souhaitait aborder, plus discret, pudiquement voilé, celui de la relation empreinte de respect et d'amitié entre les deux techniciens, l'amiénois Olivier Duclos & le rouennais Nordine Mahdidi.
Que l'on se place d'un côté ou de l'autre, le moins que l'on puisse dire c'est que les deux techniciens auront largement participé à écrire les plus belles heures de gloire des deux clubs. Pourvoyeurs patentés de médailles, les deux se seront challengés à maintes reprises dans les différentes catégories. Depuis plus de quinze ans les deux se croisent, et se recroisent au détour d'un glaçon ou d'un podium. « Je crois que notre premier face à face date de 2007 sur une année U15 » se souvient Olivier Duclos avant d'enchaîner « Cette année là, Rouen est champion, Amiens, troisième et le carré final avait lieu à Amiens. Malgré le fait que Nono soit lus jeune que moi, je l'ai observé souvent pour prendre ce qu’il y avait de mieux en lui . On a tout de suite eu un grand respect mutuel et une rivalité saine , on ne s'est jamais accroché lors d’un match et on s’est toujours félicité mutuellement de nos réussites et soutenu lors de nos échecs , on a développé au fur et à mesure une complicité et des points communs, on s’appelle et on se soutient par téléphone quand un de nous deux est dans le dur, on a développé une relation au delà du hockey en ajoutant Virgile Mariette de Caen qui nous ressemble beaucoup » Même respect sincère du côté rouennais au moment d'évoquer ce premier rendez-vous « La première confrontation, je pense, a eu lieu sur la saison 2006-2007 en U15, j'étais sur la catégorie adjoint de Julien Guimard et nous étions deux jeunes entraîneurs aux dents longues qui cherchaient a battre tout le monde... Et on a fait la connaissance d'Olivier qui nous impressionnaient car il avait pris la suite de Stéphane Berthon et de Dave Henderson en U18, deux très grands entraîneurs et son expérience ainsi que son leadership était plus que flagrant sans compter les titres acquis déjà à l'époque. Je pense que nous n'étions pas trop de deux cerveaux pour battre cette équipe amiénoise » se souvient Nordine.
A cet instant de ces quelques lignes, difficile de passer à côté de la question de ce que l'un pense de l'autre et vice & versa. « Compétence, travail, sincérité, honnêteté, passion & intelligence. » martèle Olivier Duclos « Ces 5 mots résument qui est Nono. La valeur d’un entraîneur ne se mesure pas qu’avec les titres ni par le nombre de joueurs formés par les coachs mais aussi par la façon dont parlent ses anciens joueurs et ses collègues. Nono est aimé par ses joueurs , admiré par les coachs adverses dont je fais partie. Je sais pertinemment que quand il prend une équipe en août , elle va passer de moyen à très compétitive en mars quelque soit les joueurs qu’il a , talentueux ou pas , et au même titre que moi , Nono a beaucoup gagné et beaucoup perdu et c’est comme ça qu’un coach grandi quand il est assez intelligent pour ne pas jeter la pierre sur d’autres . Il est honnête et sincère avec ses joueurs même quand il faut leur rentrer dedans et c’est ce que les gamins aiment . » Tout aussi disert, dans le camp rouennais « L'ennemi est un très bon professeur disait le dalaï lama. En cela, Olivier en est un excellent. J'ai pu apprendre de lui sur le banc, sur la glace et même dans la vie. Son amour pour ce sport, son travail pointu, sa sincérité, sa combativité et sa maîtrise restent pour moi un exemple. Sur le banc il m'a poussé à l'observer , pour comprendre et imiter les subtilités du coaching, mes titres les plus difficiles ont été face à lui. Encore aujourd'hui, l'ADN d'Amiens est dicté par sa combativité et en fait un très de caractère de chacune de ses équipes. Sa maîtrise ... On en a fait les frais, déjà dominant avec cette génération 95,96, mais que dire en 97 quand Amiens est dominé toute la saison par nous et qui finalement gagne en finale U15 6-3 grâce à un gros travail stratégique et d'analyse video sur les phases finales. Sa sincérité, quand un entraîneur qui a connu autant de titres , la Magnus , l'équipe de France...et fait son travail avec des plus jeunes sans changer peu importe qu'ils s'appellent Buysse, Da Costa, Bouvet, Leclerc ou qu'ils soient encore en devenir. Et dans la vie , toujours prêt à soutenir dans les moments difficiles. On a appris à s'apprécier, on pourrait même presque parler d'amitié même s'il est amiénois (rires) mais on aime bien l'Asie , le beau jeu , la compétition ça rapproche »
Des victoires, des défaites, des sourires, des crispations, l'un & l'autre en auront connu et au moment d'ouvrir la boîte à souvenirs, les deux continuent de se montrer particulièrement prévenant à l'image d'un Olivier Duclos tout en finesse & malice « Je n’ai pas de meilleur souvenir car « avoir un meilleur souvenir contre « veut dire qu’on prend plaisir à battre un collègue coach, c’est toujours un plaisir de coacher contre Nordine , on se connaît tellement bien depuis plus de 15 ans que je sais moi quelle stratégie il va mettre en place pendant un match. Par contre, mon pire souvenir contre Nordine est la saison 2013-2014. On sortait de deux titres de suite en U18, on avait l’équipe pour faire un triplé , avec du talent , des joueurs matures pour du U18 et destinés à écraser la saison .À l’époque , il y avait le tournoi U18 à Noël à Amiens et la finale opposait Amiens à Rouen, Rouen gagne la finale et j’ai su ce jour là que nous ne serions pas champions de France à la fin de la saison car j’avais compris ce jour là que Nordine avait réussi à faire croire à ses joueurs que nous n’étions pas imbattables. Il avait su transmettre l’impossible à son équipe . » Bien évidemment, marquante cette saison 2013-2014 pour le clan jaune & noir « Mon meilleur souvenir, le titre avec les 96 en U18. Je pense un titre plein de maîtrise avec les félicitations sincères d'Olivier. Son équipe 96 était bien plus talentueuse, c'était une grosse génération. Et moi j'avais misé sur quatre blocs assez homogènes et très combatifs... A la fin du match il m'a dit...Tu m'as bien eu avec ton équipe de plombiers... » évoque dans un sourire taquin Nordine avant d'enchaîner sur un moment plus sombre avec la finale U15 perdue à Viry avec les 95 « On a pris 11-2, un de mes leaders a complètement craqué laissant filer le match. Nous sommes en power-play à la fin du premier tiers. 0-1. Mon meilleur joueur se fait bloquer son tir et on prend un but en contre-attaque. Il s'effondre complètement sachant qu'à lui tout seul c'était 60% des points de l'équipe...Le deuxième tiers on a pris 9-0 face à des Bouvet, Kazarine, Metais etc … C'était tellement long ..... »
Saine rivalité, complicité évidente, entre les deux, l'histoire se poursuivra ce week-end à l'occasion du quart de finale du championnat de France U17 Elite. Si l'issue de cette confrontation reste aléatoire, une chose est sure c'est qu'au moment de se serrer la main, cette fois, le respect sera de mise entre les deux équipes, Rouen qualifié au bénéfice de sa place en poule A & Amiens qui aura du bataillé face à Strasbourg pour décrocher son billet rouennais. « Les deux matchs vont être difficiles, c'est une certitude » résume le technicien rouennais «il y a un enjeu de club & d'égo. Récemment Amiens domine en U15, nous ont fait chuté en U17B & A. Je m'attends à une vraie bataille dès le début. On devra être solide et bien dans la tête. De plus, je sais pertinemment qu'Olivier est la meilleure personne pour trouver stratégiquement quelque chose pour nous faire tomber. Je m'attends à ce qu'il me pousse dans mes derniers retranchements... » Une certitude et le duel a déjà commencé à l'image de l'habile technicien amiénois malin au moment de mettre la pression sur les épaules jaune & noir « la pression était sur nous à Strasbourg, une équipe contre laquelle nous avions perdu deux fois en saison régulière. Nous en poule B, jouant une poule C en dépit du fait qu'il n'y avait pas cette année d'écart entre les deux poules. Là, nous n’avons plus de pression , elle est sur les épaules de Rouen qui est en poule A, qui a plus de joueurs talentueux que nous . L’équipe de Rouen de septembre octobre que nous avons battu n’est plus la même maintenant, elle est homogène , a de la vitesse et est bien plus structurée qu’avant. Nous ne venons pas en victimes et allons donner du fil à retordre à Rouen dont je connais les points faibles et point forts et notre remontada de Strasbourg a fait naître plus qu’un groupe ce week-end. Et quelle bonheur de retrouver les deux Nonos dragons . Que le meilleur gagne dans un esprit de respect et de classe . » Tout est dit, conclusion parfaite. Maintenant place à la glace.
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