CHAR ► La fin d'une aventure
Dernière réunion de travail en ce mois de juillet déjà bien avancé au Club de Hockey Amateur de Rouen. Une dernière réunion du bureau directeur à Performance Glace loin d'être anodine puisque durant ces derniers échanges, Jean-Patrick Thirion, Président du Club de Hockey Amateur de Rouen aura annoncé, la voix prise par l'émotion, la fin de son mandat de Président.
« Il y a une phrase que j'avais prononcé le 16 octobre 2016 lors du conseil d'administration : la nouvelle équipe n'est pas là pour se mettre à la place mais pour mettre en place les choses. Par conséquent, avec ce postulat de départ, quelque soit le moment, il fallait travailler de façon à pouvoir s'enlever du dispositif. Là le moment est conditionné par ma vie professionnelle, j'ai à la fois l'impression de lâcher les copains en route puisque nous sommes quasiment à mi-parcours de mon mandat de quatre années mais d'un autre côté, la ré-organisation du club administrative a fait en sorte que le Président n'est plus la personne qui fait tout, qui donne son avis sur tout. En effet, si on retourne au projet de départ avec notre pyramide inversée qui représente le sportif soutenu à gauche par l'administratif et à droite par l'économique autour d'un thème récurrent « le bien vivre ensemble », nous avons beaucoup oeuvré sur la partie administrative avec la mise en place de nouveaux règlements et statuts, les commissions avec certaines qui fonctionnent très bien et d'autres un peu moins avec au final pour le poste de président, un rôle de capitaine qui pointe du doigt l'objectif à atteindre. Pour moi, ce sont les 500 licenciés, les joueurs, les parents, les membres du comité directeur, ceux du bureau directeur, les salariés, chacun à sa place avec un rôle à jouer pour faire avancer le navire. Je me dois de démissionner de mon mandat de président en raison d'obligations professionnelles, c'est une contrainte législative mais certes, je suis chagriné parce que je quitte le bateau mais avant tout je suis heureux parce que ce pour quoi j'ai pris la présidence ou plutôt l'équipe a pris la Présidence a été réalisé. Je pars en me disant, que même s'il y a des couacs, des problèmes à résoudre et sans doute plus que l'on en souhaiterait, chacun ayant son rôle à jouer, son travail à effectuer, je sais que le club va poursuivre sur sa lancée. »
Peut-on parler du coup de « passage de témoin » ?
Effectivement, c'est un passage de témoin accompagné qui nécessitera une continuité. Ce n'est pas parce que je ne peux plus avoir de fonctions électives au sein du club que je n'en demeure pas moins un Dragon de Rouen et un licencié du club. A chaque fois que l'on jugera nécessaire ou utile de me consulter, c'est bien évidemment avec grand plaisir que j'apporterai mes réflexions, mes orientations sur un sujet donné. Je ne quitte pas le club...
… Aucun chamboulement de prévu, pas de séisme, on reste donc dans la continuité ?
Complètement, le projet sportif reste le même, la gestion du club ne bouge pas d'un iota, ce qui change ce sont les individus qui vont manager ce projet. Comme je l'ai dit précédemment, ce n'est pas une personne qui donne les orientations mais une équipe. Ce que fait Nadine Chaumont en tant que Secrétaire Générale, le travail énorme de bénévole qu'elle fait, elle continuera de le faire , Ce que fait Catherine Plaquevent en tant que trésorière après avoir pris pleine mesure de son poste de bénévole, elle va continuer à le faire et il en sera de même pour les membres du bureau et du comité directeur.
Ce mardi 16 juillet, le bureau directeur s'est réuni pour évoquer la vacance du poste de président conformément aux statuts du club.
Les statuts du club précisent à l'article 6.8.4. qu'en cas de vacance du poste de Président, pour quelque cause que ce soit, les fonctions de nouveau président sont exercées provisoirement par un membre du bureau directeur. Le Président provisoire exercera ses fonctions jusqu’à la prochaine assemblée générale qui pourvoira le poste vacant au comité directeur. L’article 6.6 sera alors mis en œuvre pour élire un nouveau président, pour la durée restant à courir du mandat de son prédécesseur. A l'issue de cette réunion, il a été décidé que Jérôme Benoist prendrait la présidence du club. Jérôme est un chef d'entreprise qui a l'amour du maillot de Rouen. De part son parcours professionnel, il va apporter ce coté « prise de décision » , un peu fonceur et il sera tempéré par Dominique Quemion qui sera plus dans le relationnel avec les institutions, le présentiel au club, la négociation. C'est vraiment une équipe complète qui va reprendre le flambeau et qui va poursuivre le projet. Jérôme et Dominique, c'est un duo qui pour moi devrait bien se compléter sur l'avenir.
En une phrase, une image, quel symbole aimeriez-vous que l'on retienne de votre présidence ?
C'est une question difficile tant il est compliqué de résumer en une phrase le travail d'un club comme le Club de Hockey Amateur de Rouen. Bien évidemment plein de choses me viennent en tête comme par exemple ceux pour qui nous faisons tout ça : nos jeunes, nos hockeyeurs, nos couleurs. J'ai envie de penser que j'ai contribué à cette aventure du Dragon en apportant mes petits cailloux. Le bien vivre ensemble aussi, il est tellement difficile de parler de bien vivre ensemble lorsque l'on parle de générations différentes, des parents d'enfants de 4 ans aux jeunes de 20 ans très engagés dans la performance en passant par les loisirs, le para-hockey, toute cette grande famille du hockey rouennais amenée à échanger, partager, se disputer, vivre ensemble avec comme l'un des symboles Performance Glace, mis à disposition par la Ville de Rouen, qui nous apporte ce supplément d'âme qui nous manquait, brisant enfin le côté impersonnel de la patinoire. Une chose est sure, j'aurais plaisir à revenir ici.
Vous parliez précédemment du pilier administratif sur lequel votre équipe a beaucoup oeuvré, son pendant symétrique, le pilier économique reste fragile comme en témoigne les rapports financiers évoqués lors de l'Assemblée Générale du Club le 01 juillet dernier.
Avant de répondre directement à cette question, j'aimerais juste partager l'immense regret de ma présidence. Je suis avant tout un technicien, un professionnel de l'athlétisme. Plus jeune entraîneur à 28 ans, directeur de trois départements à la fédération d'athlétisme, j'ai derrière moi un bagage de 21 ans d'entraîneur national. Et là où j'ai le plus de plus-value, je n'ai pas pu apporter ce que j'espérais apporter lors de ma prise de fonction en 2014. Bien sur, j'ai fait d'autres choses qui j'espère auront servi le club mais je n'ai pas pu apporter ce que j'aurais aimé apporter. Pourquoi ? Parce que des choix ont été fait précédemment et ces choix là, il a fallu que nous les supportions...
… supportions ou subissions ?
Non, non, supportions. C'est comme un héritage, il faut tout accepter, le bien et le pas bien. Et parmi le « pas bien », il y a eu des erreurs de gestion, cela arrive. Nous aussi, nous en avons sans doute fait et peut-être que dans quelques années, on nous le reprochera mais quoiqu'il en soit, on a passé plus de temps à se bagarrer avec notre masse salariale qu'avec notre projet sportif. C'est sincèrement mon plus grand regret sur ces deux années. Alors maintenant, oui effectivement, lors de l'Assemblée Générale, nous avons du prendre des décisions importantes pour le club. Notre volonté était que chaque licencié comprenne où le club en était financièrement, pourquoi et surtout comment sortir de cette problématique. J'ai cette sérénité de dire que sauf imprévu notoire, tous les ans avec ce que nous avons mis en place lors de la dernière assemblée générale, le club va se refaire le cerise, étape par étape pour retrouver une assise financière lui permettant de parer à n'importe quel aléa de la vie. Dans une association, on sait pertinemment qu'il peut y avoir des mauvais coups et il faut être armé pour ça. Cette problématique, elle nous a accompagné pendant ces deux ans et demi et nous avons du travailler fort pour y remédier sans doute au détriment de temps passé sur le projet sportif, la préparation physique de nos jeunes etc. Il y a encore énormément de choses à accomplir pour ce club et c'est tant mieux, c'est d'autant plus motivant.
Puisque vous évoquiez le projet sportif, attardons nous sur celui-ci, les dernières réunions techniques ont laissé la part belle à la symbiose entre le CHAR et le RHE 76.
C'est une obligation, je ne peux pas imaginer un projet sportif, une organisation où les deux entités ne se croisent pas. On le voit à Lyon où la relation est compliquée même si la nomination de Gérald Guennelon en tant que manager général devrait changer les choses. J'imagine que fidèle à ses idées lorsqu'il était Directeur Technique National, il aura à cœur de retisser du lien avec le hockey mineur. Ce lien est une obligation pour tous y compris face aux institutions. Il y a quelques jours, j'étais en rendez-vous avec Mr Kader Chékhémani, adjoint aux sports à la ville de Rouen en compagnie de Mr Didier Derand, directeur de la division de la vie sportive à la mairie de Rouen et la question a été posée et soulignée. Ils ont noté un rapprochement fort entre les deux structures et ils abondent en ce sens. Les deux structures doivent continuer de s'associer, se rapprocher, s'accompagner, on le voit avec les nouveaux règlements avec deux places en moins sur les feuilles de match de Magnus, D1 et D2, le nombre de joueurs formés localement en augmentation sur les trois prochaines années. Dans ces conditions là, le Rouen Hockey Elite 76 ne peut pas faire autrement que de s'appuyer sur le CHAR et à l'inverse, le Club de Hockey Amateur de Rouen sait très bien que sans le RHE, nous perdons toute notre splendeur. Nous sommes donc dans une relation gagnant gagnant avec deux structures juridiquement séparées mais sportivement très liées. On peut bien évidemment vivre deux ou trois années sans se parler et rester dos à dos mais sur le long terme c'est impossible.
Mutualisation toujours avec une des étapes marquantes de votre présidence : le rapprochement avec le Rouen Olympic Club, le club de patinage synchronisé de Rouen.
Dans un « monde de Bisounours », j'aurais aimé également y associer l'ESPAR, le club de patinage artistique, ils n'ont pas souhaité s'inscrire dans le mouvement, cela n'est pas grave. Je suis un grand partisan de la mutualisation, de l'union pour avancer. Entre le patinage synchronisé et le hockey sur glace, nous avons nos histoires sportives différentes, nous sommes deux entités totalement différentes mais lorsque l'on s'engage dans la performance ou l'apprentissage de la performance, il y a des choses qui coutent cher. La performance coute cher et le développement des outils de performance pour un seul club devient de plus en plus difficile. S'unir est pour moi la chose la plus intelligente à faire pour poursuivre nos développements. Paradoxalement, nous avons commencé la mutualisation par les tous petits avec la formation à l'école de glace mais dans la continuité, le ROC a des choses à nous apprendre sur la notion d'équipe, de cohésion et de constitution d'équipe et nous de notre coté dans l'approche de la compétition, la préparation au combat, y compris en patinage synchronisé, lorsque l'on essaie d'aller chercher une médaille aux championnats du monde, on ne part pas pour cueillir des fleurs avec les copines, on va au combat, c'est ça le sport de haut-niveau. Mutuellement, nous avons beaucoup de choses à nous apprendre et bien entendu, c'est également une logique économique : lorsque l'on a un salarié qui s'occupe de la partie scolaire, le coût a supporter est moins lourd lorsqu'il est porté par deux structures, même chose pour le secrétariat, le papier que l'on achète, le wifi etc.
L'un des symboles de cette mutualisation est la création de Performance Glace, j'imagine que c'est une satisfaction, une fierté pour vous ?
Cela sera une fierté selon comment le directeur manage cet outil sur le moyen terme. Pour l'instant, nous sommes encore dans l'installation, les travaux. Il reste encore beaucoup à faire comme par exemple la glace synthétique qui dans ma tête depuis de très longues années. Performance Glace est un symbole de la mutualisation, c'est quelque chose de physique de palpable. Lorsqu'on voit le mercredi après midi, ça grouille de petites patineuses, de petits patineurs, de petits hockeyeurs et hockeyeuses qui viennent répéter leur chorégraphie, faire leur préparation physique ou leurs étirements. C'est pour ça que j'aime le sport et le système associatif français. Alors oui, cela fait du bruit, n'en déplaise à certains, mais cela permet avant tout à nos jeunes de s'épanouir et de se développer. Ce projet est tout de même une satisfaction parce qu'il a fallu se battre pour l'avoir. Il n'est pas tombé tout seul dans l'escarcelle du ROC et du CHAR. Il y avait plusieurs projets en concurrence, nous y sommes allés en équipe. C'est comme ce que doit être le club, au hockey sur glace, chacun a son rôle à jouer, chaque rôle impacte sur le rôle des autres et lorsque quelqu'un ne tient pas sa place, tout le monde essaie de combler mais plus personne ne tient réellement sa position et c'est là où le bazar s'invite. Quand tout le monde tient sa place et vient en soutien, on avance très vite en plus d'être performant. C'est génial d'avoir pu obtenir ce bâtiment, ce centre d'entraînement c'est peut-être la première pierre pour la suite, d'autres projets sont dans les esprits, mais cela est une autre histoire, je laisse un architecte le temps de travailler et d'assurer la continuité des idées là-dessus.
Vous allez voguer vers de nouveaux horizons mais on a bien compris que vous allez garder un œil très attentif à ce club. Que peut-on souhaiter pour le CHAR ?
Atteindre les 500 licenciés grâce à notre école de hockey et non pas parce qu'on aura licencié tous les licenciés. Un vrai 500 licenciés. Avoir des projets avec des résultats de performance. Nous sommes performants actuellement mais nous devons l'être encore plus. Nous faisons partie des quatre gros en France mais il faut que nous soyons le plus gros, le club à battre. Il n'y a pas d'autre objectif possible. Pourquoi ? Parce que cela amène de la notoriété à notre club, de l'image. On ne rend pas compte de la facilité que c'est d'être Président du Club de Hockey Amateur de Rouen par rapport à un club d'athlétisme ou de foot d'une commune locale ou même de Rouen. Lorsque l'on arrive quelque part et que l'on nous présente comme le CHAR, cela veut dire quelque chose, il faut conserver cela. C'est pourquoi c'est important de continuer de gagner des titres, si on remporte des titres, cela veut dire que l'on forme bien nos joueurs et que l'on continuera à leur permettre de porter l'étendard français en équipe de France. Soutenir le projet olympique de l'équipe de France, permettre à nos jeunes d'évoluer au plus haut-niveau y compris dans des championnats étrangers plus reconnus, que notre performance soit reconnue lors des compétitions internationales. Des Antoine Roussel, des Charles Bertrand des Pierre-Edouard Bellemare, des Ronan Quemener, on en veut plein. Des Quentin Papillon, des Valentin Duquenne aussi. L'unique ambition que doit avoir le club de Rouen c'est de bien former ses jeunes, de les amener à faire briller la performance de notre ville dans le monde entier.
Nous arrivons au terme de cette première partie d'entretien consacré à Rouen, nous vous laissons la conclusion. Que souhaiteriez vous rajouter ?
J'ai consacré beaucoup de temps à ma fonction de Président du Club de Hockey Amateur de Rouen et j'ai la conviction que cela m'a apporté beaucoup plus que ce que moi j'ai pu apporter en terme d'enrichissement de l'individu que je suis, en terme de compétences et de savoir-faire. Ce n'est pas un président qui s'est présenté, mais une équipe solide bâtie autour d'un projet. Ce sont les idées qui nous ont fait émerger cette équipe de bénévoles admirable avec des compétences extra-ordinaires qui ne sont pas toutes regroupées au sein du comité directeur notamment toute l'aide que l'on a pu avoir sur les contrats de travail et la gestion du personnel, la personne en question se reconnaitra, elle a su apporter toute ses compétences professionnelles de façon bénévole, désintéressée et naturellement. J'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec tous ces bénévoles qui sont engagés dans un mandat électif ou non mais c'est également une équipe de salariés qui permettent ou pas d'accompagner tous nos projets. Avec six salariés à temps plein, c'est un peu de temps à passer pour un Président, c'est peut-être ce qui m'a donné le plus de fil à retordre, cela fait partie des choses qui m'ont aidé à grandir personnellement, j'ai été obligé de mobiliser de savoir-faire professionnels pour tenter de manager cette partie là. D'une manière générale, ce que je retiens, c'est l'aventure humaine. C'est le fait de pouvoir croiser des individus professionnels, bénévoles, des joueurs. On a des gens merveilleux au hockey sur glace, des gens admirables, des gens complexes, des gens tumultueux, chacun mérite qu'on l'aime, y compris ceux qui font beaucoup de bêtises. C'est cette aventure humaine qui pour moi est fabuleuse, riche de pleins de choses, de pleins d'enseignements sur les gens avec qui on travaille, ceux que l'on voit pas, des joueurs avec personnalité cachée, explosive que j'aime, les salariés pour lesquels j'ai de l'affection lorsque l'on parle de leur travail ou des différentes problématiques. Lorsque l'on travaille la matière humaine, on a cette richesse là. C'est peut-être égoïste de ma part de dire ça mais j'en ressors plus riche que ce que j'ai pu donner au club. Pendant deux ans et demi, cette aventure là a été formidable et c'est ce que je vais retenir.
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