"Nil Satis Nisi Optimum"
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CHAR L'ile Lacroix, fief de dragons

 

Fier fief des Dragons, la patinoire du Centre Guy Boissière trône au confins de l'Ile Lacroix entre les deux rives de la Seine. Si en habitué de la patinoire de Rouen vous vous êtes sans doute rendu un nombre incalculable de fois sur l'Ile Lacroix, vous êtes vous déjà posté la question de son histoire ? Saviez vous par exemple que c'est par l'entremise de Napoléon Ier que l'Ile Lacroix trouva enfin sa vraie place au sein de la ville de Rouen ? Pour les férus d'histoire locale ou tout simplement les curieux, petit cours d'histoire sur « Notre Ile Lacroix »

 

Si vous n'avez pas pris à l'école comme option le vieux norrois comme langue, nul doute que le mot « Múgr » ne vous dira pas grand chose. Pourtant de ce vocable issu de la langue scandinave médiévale signifiant « populace » « canaille » provient la première appellation de cette petite Ile d'à peine 2 kilomètres carré située entre les deux rives de la Seine de la Ville aux cent clochers. En effet, bien avant de prendre sa dénomination d'Ile Lacroix, c'est bien sur l'Ile de la Moucque que se dresse l'actuel temple de la glace des Dragons. L'Ile de la Moucque, l'Ile de la populace et de la Canaille, une version bien moins prestigieuse qui dénote tout l'intérêt des rouennais pour cette ile essentiellement composée à l'époque de terrains vagues et de friches où l'on n'accède que par bateau.

 

A cet époque, au 18ème siècle alors que les français et les anglais continuent de se chamailler avant que la France ne vive sa révolution, les rouennais n'ont que faire de toutes ces petites Iles éparpillées au beau milieu de la Seine. Deux siècles plus tard, alors que lit de la Seine se sera nettement émincé sous l'impulsion des transformations de l'homme, seule l'Ile Lacroix subsistera à laquelle on rattacha en 1922, l'Ile Brouilly à son extrémité. Pour autant, ce n'est qu'en 1829 que la désormais nommée « Ile Lacroix » prendra vie au sein du paysage rouennais sous l'égide de Napoleon 1er. En effet, après une première visite en 1802 au bras de son épouse Joséphine de Beauharnais, Napoléon Bonaparte, devenu empereur entretemps après un cours passage au rang de Consul visita à nouveau la cité chère à Corneille en 1810. Certes, entre temps, Joséphine s'était effacée au profit de l'archiduchesse Marie-Louis d'Autriche mais l'Empereur des Français, visionnaire dans l'âme, insista lourdement pour relier enfin l'Ile Lacroix aux deux rives de la Seine. Celui à qui l'on doit l'actuelle rue de la République fut également l'initiateur de la construction du d'un pont de pierre entre 1813 et 1829 qui prît le nom de Pont Corneille en 1848 après s'être appelé pont circonflexe, pont d'Angoulême puis pont d'Orléans.

 

Dès lors pris l'essor de l'Ile Lacroix. L'activité centrée autour de la « rue Centrale », l'actuelle avenue Jacques Chastellain, se cantonne dans un premier temps à partir de 1830 qu'à des bains publics et un ponton flottant alimenté par la Seine pour apprendre à nager attaché à une corde. Un rôle mineur qui ne durera pas puisque dès 1848, le « tout Rouen » se précipitera pour se rendre l'Ile Lacroix avec l'ouverture du « Château Baudet » où sont donnés les fêtes et banquets mondains de la haute société rouennaise. Peu à peu, l'Ile Lacroix prend sa réputation d'Ile Festive : des « Fantaisies Lyriques » (1878) et ses 1400 places où se bousculent « les grands de l'époque comme Maurice Chevallier au Théâtre des Folies Bergères, l'Ile Lacroix rayonne en musique et la célèbre Lyre posée sur le toit en 1903 visible des deux rives devient le symbole de l'Ile Lacroix.

 

Le 20ème siècle sera nettement moins réjouissant pour notre « Ile Lacroix ». Habituée à avoir les pieds dans l'eau, l'Ile Lacroix vivra une crue centennale en 1910, la plus grosse évasion de la Seine depuis 1658. Les conséquentes inondations seront terribles pour l'économie de l'Ile Lacroix et les dégâts irrémédiables et les années sombres de la deuxième guerre mondiale ne feront rien pour arranger les choses. Juin 1940 : la « drôle de guerre » se termine et la débâcle de l'armée française face à l'Allemagne nazie rédhibitoire. Le front français est totalement disloqué et le débat de la poursuite ou non de la guerre fait rage en France. Débute alors l'exil des civils français du nord vers le sud. En Normandie, l'avancée de l'armée allemande la Wehrmacht se poursuit. A Isneauville le 08 juin, l'ordre est donné à une poignée de soldats de français de tenir le plus longtemps possible les quatre ponts de Rouen déjà minés. Et le dimanche 09 juin au matin, l'ordre est donné de faire sauter l'ensemble des ponts pour bloquer l'avancée des chars allemands sur la rive droite de Rouen. Treize jours plus tard, la France capitulera et l'Ile Lacroix restera isolée pendant douze années seulement reliée à partir de 1940 par une passerelle puis une deuxième en 1945. Symbole de l'entrée sur l'Ile Lacroix, la statue de Pierre Corneille installée au milieu du pont éponyme menacée d'être fondue par les allemands finira au fond de la Seine avant d'être repêchée à la libération pour être installée face au Théâtre des Arts en 1957.

 

Fortement touchée par les bombardements alliés sur la fin de la guerre, l'Ile Lacroix mettra bien longtemps à retrouver de l'entrain. En juillet 1952, le pont Corneille est « à nouveau » inauguré et l'Ile Lacroix rattachée aux deux rives de la Seine. De retour au centre de Rouen, l'Ile Lacroix tente de faire dépoussiérer sa légende festive. En lieu et place du bâtiment des « Folies Bergères », nait le « Théâtre de la Lyre » en 1952 où les plus grands noms de la chanson française se produiront : Brel, Trenet, Montant faisant de ce théâtre la deuxième discothèque du monde jusqu'à sa fermeture en 1964.

 

Si les joueurs de hockey sur glace ne sont pas les derniers à faire la fête, le rôle de l'Ile Lacroix ne se limitera pas seulement à la musique et à la gaudriole. Déjà à partir de 1847 avec le canotage, l'ancêtre de l'actuel CNAR (Club Nautique et Athlétique de Rouen) et les régates organisés autour de la Seine, l'Ile Lacroix se veut également sportive à l'image de l'éphémère grand skating rouennais ouvert entre 1911 et 1914 où les rouennais pouvaient pratiquer le patin à roulettes. A partir de 1965 et le nouveau plan d'urbanisme pour le moins raté de l'Ile Lacroix, le parc de loisirs un temps envisagé par l'urbaniste Le Corbusier ne verra pas le jour et les immeubles fleuriront sur l'Ile Lacroix alors que la rue centrale était débaptisée pour devenir Avenue Jacques Chastellain en hommage à Chastellain maire de Rouen de 1945 à 1958 et décédé en 1965.

 

C'est à cette époque que prennent racines l'histoire du hockey à Rouen. Entre 1965 et 1968, la Foire Exposition de Rouen est organisée sur l'Ile Lacroix donnant d'ailleurs naissance au passage aux célèbres 24 heures motonautiques. Et à l'occasion de la foire de 1967, une patinoire amovible installée sur l'Ile Lacroix donnera des idées aux pionniers du club de hockey de Rouen : Bernard Le Feuvre, Félicien Reculard et François Legay. Sous l'impulsion du légendaire député Maire Jean Lecanuet, les travaux pour la construction de la patinoire sont lancés. Alors que le jour de son inauguration en décembre 1970, la patinoire est en proie à un incendie, les rouennais devront patienter jusqu'au 27 décembre 1971 pour voir l'ouverture de la première patinoire à Rouen. Avec l'ouverture de la Halte de plaisance en 1982 et de l'Océade entre 1989 et 1991, gigantesque parc aquatique de 4000 m2 surdimensionné et surtout gouffre financier qui reste encore actuellement une verrue en ruine derrière la patinoire, l'Ile Lacroix poursuit son développement avec dernier sursaut la construction de l'actuelle patinoire, inaugurée le 14 janvier 1992.

 

Depuis lors, c'est une Ile Lacroix assoupie qui continue sa douce vie sans guère d'excitation. Certes dans un rapport au conseil municipal en 2012, le mairie de la ville de Rouen, Mr Yvon Robert soulignait que « L’île Lacroix est un territoire singulier de notre ville, tant par sa position stratégique au coeur de l’agglomération que par son caractère insulaire (…) Néanmoins, l’île Lacroix connaît aussi plusieurs problématiques qui ne permettent pas à ce territoire de faire pleinement valoir ses précieux atouts (...) Cette ambition se décline en plusieurs grands enjeux pour l’île Lacroix : affirmer la vocation de sport et détente de la partie Est de l’île : l’affirmation d’un centre sportif ouvert sur un parc naturel confèrera une nouvelle attractivité à ce territoire, à destination d’un public familial. Les questions entourant la biodiversité et la gestion de l’eau pourront être les thématiques supports du futur aménagement ; aménager une promenade sur les berges de Seine, faire le lien entre la partie « urbaine » et la partie « naturelle » de l’île «  reste désormais à dépasser le stade de la concertation pour faire place à l'action pour que l'Ile Lacroix continue avec entrain de rayonner dans le paysage de la vie rouennaise.

 

Remerciements à Guy Pessiot



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